vendredi 9 janvier 2009

Fahrenheit 451


De Ray Bradbury

"Quand est-ce que tout ça a commencé,[...], ce que vous m'avez demandez, ce boulot qu'on fait, comment c'est venu, où, quand ? [...]

Le fait est que nous n'avons pris de l'importance qu'avec l'apparition de la photographie. Puis du cinéma, au début du vingtième siècle. Radio. Télévision. On a commencé à avoir là des phénomènes de masse. [...]
Et parce que c'étaient des phénomènes de masse, ils se sont simplifiés, poursuivit Beatty. [...]
Imaginez le tableau. L'homme du dix-neuvième siècle avec ses chevaux, ses chiens, ses charettes : un film au ralenti. Puis, au vingtième siècle, on passe en accéléré. Livres racourcis. Condensés, Digests. Abrégés. Tout est réduit au gag, à la chute.
- La chute, approuva Mildred.
- Les classiques ramenés à des émissions de radio d'un quart d'heure , puis coupés de nouveau pour tenir en un compte rendu de deux minutes, avant de finir en un résumé de dictionnaire de dix à douze lignes. [...]

Accélerez-encore le film [...] Condensés de condensés.Condensés de condensés de condensés. La politique ? Une colonne, deux phrases, un gros titre ! Et tout se volatilise ! La tête finit par vous tourner à un tel rythme sous le matraquage des éditeurs, diffuseurs, présentateurs, que la force centrifuge fait s'envoler toute pensée inutile, donc toute perte de temps ! [...]

La scolarité est écourtée, la discipline se relâche, la philosophie, l'histoire, les langues sont abandonnées, l'anglais et l'orthographe sont de plus en plus négligés, et finalement presque ignorés. On vit dans l'immédiat, seul le travail compte, le plaisir c'est pour après. Pourquoi apprendre quoi que ce soit quand il suffit d'appuyer sur des boutons, de faire fonctionner des commutateurs de serrer des vis et des écrous ?[...]

D'avantage de sports pour chacun, esprit d'équipe, tout ça dans la bonne hmleur, et on n'a plus besoin de penser , non ? Organisez et organisez et super organisez de super-super-super sports. Encore plus de dessins humoristiques. Plus d'images. L'esprit absorbe de moins en moins. Impatience. Autoroutes débordantes de foules qui vont quelque part, on ne sait où, nulle part. L'exode au volant. Les villes se transforment en motels, les gens en marées de nomades commandées par la lune, couchant ce soir dans la chambre où vous dormiez à midi et moi la veille.[...]

Le système scolaire produisant de plus en plus de coureurs, sauteurs, pilotes de course, bricoleurs, escamoteurs, aviateurs, nageurs, au lieu de chercheurs, de critiques, de savants de créateurs, le mot "intellectuel" est , bien entendu, devenu l'injure qu'il méritait d'être. On a toujours peur de l'inconnu.[..]

Il faut que vous compreniez que notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre d'inquiéter et de déranger nos minorités. Posez-vous la question : Qu'est ce que nous désirons par-dessus tout dans ce pays ? Ne veillons -nous pas à ce qu'ils soient toujours en mouvement, à ce qu'ils aient des distractions ? Nous ne vivons que pour ça, non ? Pour le plaisir, l'excitation ? Et bous devez admettre que notre culture nous fournit tout ça à foison.[...]

Si vous ne voulez pas qu'un homme se rende malheureux avec la politique, n'allez pas lui casser la tête en lui proposant deux points de vue sur une question; proposez-lui- en un seul. Mieux encore, ne lui en proposez aucun. Qu'il oublie jusqu'à l'existence de la guerre. Si le gouvernement est inefficace, pesant, gourmand en matière d'impôt, cela vaut mieux que d'embêter les gens avec ça. La paix, Montag. Proposez des concours où l'on gagne en se souvenant des paroles de quelque chanson populaire, du nom de la capitale de tel ou tel État ou de la quantité de maïs récoltée dans l'Iowa l'année précédente. Bourrez les gens de données incombustibles, gorgez-les de "faits", qu'ils se sentent gavés, mais absolument "brillants" côté information. Ils auront l'impression de penser, ils auront le sentiment du mouvement tout en faisant du sur-place. Et ils seront heureux parce que de tels faits ne changent pas. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie pour relier les choses entre elles. Tout homme capable de démonter un télécran mural et de le remonter , et la plupart des hommes en sont aujourd'hui capables, est plus heureux que celui qui essaie de jouer de la règle de calcul, de mesurer, de mettre l'univers en équations, ce qui peut se faire sans que l'homme se sente solitaire et ravalé au rang de la bête.

Je le sais, j'ai essayé. Au diable, tout ça. Alors place aux clubs et aux soirées entre amis, aux acrobates et aux prestidigitateurs, aux casse cou [...] , à tout ce qui ne suppose que des réflexes automatiques.[...] Tout ce que je réclame, c'est de la distraction.


écrit en 1953 ...

9.5/10, a sa place avec 1984 de Georges Orwell.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah Fahrenheit 451, un de mes meilleurs bouquins de science-fiction...

Je suis passé maintenant à Philip K. Dick, écrivain pessimiste du XXe siècle. Je te recommande "Do androids dream of electrical sheeps", qui a inspiré le film "Blade Runner", et qui déplace la frontière entre le naturel et l'artificiel.

Unknown a dit…

Je l'ai déjà,

Je te recommande de K. Dick Ubik, http://lune-bleu.blogspot.com/2007/07/ubik.html
et Substance mort ; si tu te rappelles du magazine Joystick, tu verras d'où vient le pseudo d'un pigiste : Bob arctor.